La rétinite pigmentaire
La rétinite pigmentaire
La rétinopathie pigmentaire (RP) est une maladie génétique dégénérative de la rétine, le tissu nerveux au fond de l’œil, qui se caractérise par une perte progressive et graduelle de la vision évoluant dans les cas les plus sévères vers la cécité. La RP est encore appelée dystrophie de type bâtonnet-cône ou retinitis pigmentosa, synonymes dérivés de son nom en anglais.
La prévalence (nombre de cas dans une population donnée à un moment donné) est d’environ 1 sur 3 500 personnes.
La maladie touche indifféremment les personnes des deux sexes, quelle que soit leur origine géographique. Elle peut débuter à n’importe quel âge avec une fréquence d’apparition plus grande entre 10 et 30 ans.
Qu’est-ce que la rétine ?
La rétine est un tissu situé au fond de l’œil dans lequel se forment les images. Elle est constituée de plusieurs couches cellulaires dont la plus profonde est celle des photorécepteurs, seules cellules photosensibles. La rétine repose sur une couche plus mince, l’épithélium pigmentaire qui est essentiel pour le bon fonctionnement et la survie des photorécepteurs. Il existe deux types de photorécepteurs, les cônes et les bâtonnets (cône et rod en anglais, respectivement). Les cônes fonctionnent à la lumière du jour et permettent à notre œil de distinguer les détails et de percevoir les couleurs. La partie centrale de la rétine ou fovéa est spécialisée dans cette perception des détails et est presque exclusivement constituée de cônes, tandis que tout le reste de la rétine, y compris la macula, est largement dominé par les bâtonnets. Ces derniers interviennent lorsque la lumière diminue ou dans des conditions de faible illumination. La vision périphérique quant à elle est médiée par les cônes en pleine lumière, et par les bâtonnets dans la pénombre.
Dans la RP, la capacité de la rétine à répondre à la lumière est affectée. Cette altération est due à la dysfonction et destruction progressive des bâtonnets puis des cônes, ce qui a pour conséquence des troubles d’ajustement à la pénombre, puis l’apparition de zones non vues dans le champ visuel appelées scotomes. La fusion des scotomes périphériques explique cette impression de vision « en tunnel ». L’examen du fond d’œil montre l’apparition progressive de petits dépôts pigmentés dans la rétine, secondaire à la mort des photorécepteurs, donnant ainsi le nom à la maladie.
La RP débute généralement par des problèmes de vue lorsque l’intensité de la lumière diminue (héméralopie). Des difficultés d’adaptation à l’obscurité sont fréquentes, par exemple lors du passage d’une pièce très éclairée vers une pièce sombre.
Puis progressivement, le champ visuel se rétrécit avec l’impossibilité de voir les choses en haut, en bas ou sur les côtés, donnant une impression de « vision en tunnel » : cela correspond à une réduction de la vision périphérique. Cette atteinte est bilatérale, les deux yeux sont affectés. La vie quotidienne s’en ressent progressivement : présence d’une certaine maladresse, difficultés à conduire de nuit, parfois aussi de jour faute d’avoir une vision globale de la route, percussion fréquente d’objets au cours de la marche…
Des troubles dans la vision des couleurs, plus particulièrement le bleu et jaune, peuvent survenir avec l’évolution (dyschromatopsie). De même, une sensibilité accentuée à une forte intensité lumineuse (photophobie) peut apparaître plus tard.
La vision centrale est généralement conservée jusqu’à des stades tardifs de la maladie. Sa diminution se manifeste d’abord par des difficultés à réaliser des activités minutieuses ou à lire puis, progressivement l’acuité visuelle diminue et aboutit généralement à la cécité.
Dans certains cas d’autres problèmes oculaires peuvent s’ajouter à la RP, tel qu’un œdème maculaire, et entraîner une baisse de la vision centrale avant le rétrécissement majeur du champ visuel.
D’autres problèmes oculaires apparaissent plus fréquemment chez les personnes atteintes de RP que dans la population générale tel que la myopie forte dans les formes de transmission liée à l’X (mauvaise vision de loin). La cataracte, qui est une opacification du cristallin perturbant progressivement la vision, est également une complication précoce fréquente de la RP.
L’évolution de la RP est variable d’une personne à l’autre mais elle est généralement assez lente et s’étend sur plusieurs dizaines d’années. Malgré une évolution continue, elle peut donner une impression d’une alternance de longues phases de stagnation, suivies de phases de dégradation rapide. Parfois, les personnes atteintes de RP peuvent garder une petite partie du champ visuel jusqu’à un âge avancé et certaines formes peu sévères ou d’apparition tardive n’aboutissent pas nécessairement à la cécité complète.
La RP est une maladie génétique due à l’altération (mutation) de gènes impliqués dans le fonctionnement et la régulation des cellules de la rétine, les photorécepteurs, indispensables pour la vision et/ou leurs cellules de soutien de l’épithélium pigmentaire.
La RP se transmet selon des modes très variés (hétérogénéité génétique), le risque de transmission aux enfants est différent selon chaque type d’hérédité. Environ 15-20 % des RP sont de type autosomique dominant avec un risque sur deux de transmission à la descendance, 20-25 % de type autosomique récessif, avec la possibilité de ¼ d’avoir des frères et sœurs atteints mais un risque extrêmement faible de transmission à la descendance et 10-15 % sont liées à l’X transmises des femmes vers leurs fils. Enfin, d’exceptionnelles mutations de l’ADN mitochondrial peuvent être retrouvées dans de rares cas de RP.
Les gènes impliqués dans la RP sont très nombreux, plus de 50 à ce jour. L’altération de certains gènes est plus fréquente. Dans les formes autosomiques dominantes, les mutations de la rhodopsine (RHO) se retrouvent dans un cas sur quatre tandis qu’une mutation du gène retinitis pigmentosa 1 (RP1) est présente dans 6 à 8 % des cas. Les mutations sur Retinitis pigmentosa GTPase regulator (RPGR) sont une cause majeure des formes dont la transmission est liée au chromosome X. Les mutations dans le gène USH2A (usherin 2 A) représentent près de 25% de formes autosomiques récessives.
Transmission de type autosomique dominante
Lorsque la maladie est dite autosomique dominante, cela signifie qu’elle peut se transmettre de génération en génération. Une personne atteinte a un risque sur deux de transmettre la maladie à ses enfants à chaque grossesse, quel que soit leur sexe : un seul exemplaire du gène muté, transmis soit par la mère soit par le père, entraîne l’apparition de la maladie.
Transmission de type autosomique récessive
Lorsque la maladie est dite autosomique récessive, seuls les enfants ayant reçu le gène altéré (gène muté) à la fois de leur père et de leur mère, sont atteints. Ainsi, les personnes atteintes sont porteuses de deux exemplaires du gène muté (elles sont dites homozygotes, quand les gènes mutés sont identiques ou hétérozygotes composites, quand les deux gènes mutés sont différents) alors que chacun des parents n’en est porteur qu’à un seul exemplaire (ils sont dits hétérozygotes). Dans ce cas les parents sont des porteurs non atteints, ils ne présentent pas les signes de la maladie. Cette maladie ne touche donc habituellement que des frères et sœurs dans une même famille. La probabilité d’avoir un autre enfant atteint d’un couple hétérozygote est de un sur quatre.
Transmission récessive liée à l’X
Lorsque la maladie est dite liée au chromosome X, cela signifie qu’elle touche essentiellement les personnes du sexe masculin. La femme porteuse d’un gène altéré situé sur un de ses deux chromosomes X n’a habituellement aucune manifestation de la maladie ; le gène non altéré situé sur le second chromosome X vient compenser ce défaut. En revanche, un enfant de sexe masculin qui a ce même défaut sur le seul chromosome X qu’il possède (et qu’il a hérité de sa mère), développera la maladie. Une femme hétérozygote (ou conductrice) pourra donner naissance une fois sur deux à un garçon malade ; si aucune de ses filles n’est malade mais une sur deux peut être en revanche conductrice comme sa mère et pourra avoir des fils atteints.
Un homme malade n’aura que des enfants indemnes. Cependant, toutes ses filles sont obligatoirement conductrices puisqu’elles reçoivent de leur père son chromosome X porteur du gène défectueux. En revanche, tous ses garçons héritant du chromosome Y, non impliqué dans la maladie, sont indemnes.
En cas de mutation nouvellement apparue chez l’enfant atteint (néomutation), certaines mères d’enfant malade ne sont pas conductrices ; le risque ne concernera plus tard que les fils à naître des filles de ce dernier.
Autres modes de transmission beaucoup plus rares
- Beaucoup plus rarement, l’anomalie génétique peut être d’origine mitochondriale. Dans ce cas, les femmes malades transmettent la maladie à tous leurs enfants quel que soit leur sexe mais les hommes malades ne transmettent la maladie à aucun de leurs enfants.
- Enfin, également dans de très rares cas, la RP est liée à une disomie uniparentale : le malade a deux chromosomes provenant d’un même parent, au lieu d’en avoir un d’origine maternelle et un d’origine paternelle. Dans la RP, l’enfant reçoit deux chromosomes identiques (copie l’un de l’autre et portant le gène muté), d’un seul de ses parent (isodisomie uniparentale). Ce mode de transmission reste exceptionnel.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé de prendre un rendez-vous en consultation dans un centre de référence des maladies rare (comme ceux de la filière Sengène https://www.sensgene.com/ ) et/ou en génétique (dans un centre de génétique médicale) pour une évaluation précise du risque et pour recevoir les explications appropriées avant tout désir de grossesse.
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement permettant de guérir de la RP.
Quelques précautions peuvent ralentir la progression de la maladie. Le port de verres protecteurs et filtrants adaptés lors des expositions solaires, protégeant de la lumière bleu-vert est recommandé tout comme le port d’un chapeau à visière.
Il est aussi conseillé d’avoir un régime alimentaire équilibré enrichi en légume vert, riche en lutéine et zéaxanthine, et oméga 3 (poisson gras) en évitant les graisses saturées (fritures). Une activité sportive régulière ainsi qu’un bon soin de la santé est aussi bénéfique. La prise de certains médicaments peut être contre indiquée car ils peuvent majorer la dégénérescence rétinienne comme les dérivés de la quinine.
Des études menées dans les années 90 ont suggéré qu’un apport en vitamine A pourrait ralentir l’altération des cellules impliquées, les cônes et les bâtonnets. Cet effet reste encore très discuté par la communauté médicale et scientifique. Si ce traitement est proposé, une surveillance régulière de la fonction du foie est réalisée par simple prise de sang. De plus, la vitamine A est interdite chez la femme enceinte en raison de source de malformation chez le fœtus, chez les fumeurs à cause du risque d’augmentation de cancer du poumon et chez les personnes avec maladie du foie.
En cas de cataracte, une intervention chirurgicale est conseillée. Cette opération n’est pas différente de celle réalisée chez les personnes qui ne sont pas atteintes de RP.
Certains patients avec RP peuvent développer un œdème maculaire, occasionnant un flou visuel, qui sera traité par inhibiteur de l’anhydrase carbonique, soit par voie orale (diamox) soit par collyre (azopt ou trusopt).
Enfin, la prise en charge en rééducation dans des centres spécifiques, par des orthoptistes, instructeur en locomotion peut aider à compenser les altérations du champ visuel.
Actuellement, les chercheurs visent à localiser tous les gènes responsables de la RP et à mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les manifestations de la maladie afin d’en améliorer le traitement. Plusieurs pistes thérapeutiques font également l’objet de nombreux travaux : thérapie génique, facteurs neutrophiques, optogénétique, rétine artificielle, thérapie cellulaire utilisant les cellules souches et traitements pharmacologiques. Cependant, ces approches restent à ce jour encore loin des applications thérapeutiques pour le traitement de la RP.
Dans la RP, la perte de la vision est progressive, la personne atteinte doit donc adapter ses habitudes quotidiennes en fonction de ses capacités visuelles. L’altération des capacités visuelles peut avoir un retentissement important sur la vie des enfants atteints de RP, en particulier sur leur scolarité qui ne peut, parfois, se poursuivre en milieu scolaire ordinaire. L’orientation professionnelle devra également être adaptée aux capacités visuelles. La RP est généralement incompatible avec la conduite automobile.
Une prise en charge psychologique est très utile afin d’optimiser l’insertion socioprofessionnelle et d’apprendre à vivre avec une maladie progressive qui peut aboutir à la cécité.
Les maladies de la rétine
Qu'est-ce que la rétinite pigmentaire ?
Témoignage de Valérie